Manifestations des agriculteurs : que se passe-t-il si vous n’arrivez pas (à temps) au travail ?

Le baromètre des embouteillages est au rouge vif en raison des manifestations des agriculteurs dans notre pays. Si l’un de vos collaborateurs arrive en retard au travail,  a-t-il droit à une rémunération pour les heures perdues ? Et y a-t-il une différence entre ces embouteillages exceptionnels causés par des barrages routiers et les embouteillages quotidiens ? Le groupe de services RH Liantis répond à ces questions et d’autres. « Il existe une différence entre circonstances structurelles et circonstances imprévues. »

5 minutes reading time Politique du personnel 01 février 2024

Vous arrivez en retard au travail à cause des embouteillages : s’agit-il d’un motif valable que vous pouvez invoquer en tant que travailleur ?

« En soi, le problème lié aux embouteillages est une explication du retard au travail. Mais cette explication n'est pas toujours une "justification". En effet, un employeur est en droit d’attendre de ses travailleurs qu'ils s'organisent de façon à pouvoir commencer le travail à l'heure. Un embouteillage exceptionnel constitue par contre bien une justification du retard. Si la cause du retard est un embouteillage quotidien et que le problème se produit régulièrement, il est évident que l'employeur ne pourra pas tolérer ce comportement. » 
« Il va sans dire que beaucoup de choses dépendent de la relation qui existe entre l'employeur et le travailleur dans ce type de situation. L’employeur peut se mettre d'accord avec ses travailleurs pour qu'ils rattrapent le temps perdu à un autre moment. Par ailleurs, il peut aussi arriver qu’un employeur intervienne lorsqu'un travailleur est en retard de manière constante et répétée. L'employeur peut alors indiquer que le contrat de travail n'est pas correctement exécuté et, dans des situations exceptionnelles, décider de licencier le travailleur », explique Matthias Debruyckere, expert juridique chez Liantis.

Qu'en est-il de la rémunération des heures perdues : y a-t-il une différence entre les embouteillages quotidiens et un embouteillage exceptionnel dû, par exemple, à un accident ?

« La législation prévoit que l'employeur doit payer le salaire du travailleur lorsque l'événement se produit sur le chemin du travail. Dans le cas d’embouteillages structurels, le travailleur était déjà au courant du problème et l'événement s'est produit avant qu'il ne parte travailler. L'employeur n’est alors en principe pas tenu de rémunérer les heures perdues. »
« Dans le cas d'embouteillages imprévus, l'événement se produit sur le chemin du travail. Dans ce cas, l'employeur doit bel et bien payer la rémunération. Mais il s'agit bien sûr là d'une zone grise qui prête à interprétation. L’idéal est donc qu’employeurs et travailleurs concluent de bons accords en la matière », explique Matthias Debruyckere. 
« Le même raisonnement devrait être suivi pour les retards causés par les manifestations des agriculteurs. Si le collaborateur savait à l'avance qu'il y avait un barrage routier sur le chemin de son travail, il n'a pas droit à la rémunération des heures perdues. Les employeurs peuvent ainsi faire valoir qu'à partir du deuxième jour de protestation, leurs collaborateurs n'ont pas droit à une rémunération pour le temps de travail perdu. En ce qui concerne les retards du premier jour, ils pourraient se montrer plus indulgents et payer quand même les heures perdues. Et ce, en dépit du fait que ces manifestations avaient bien été annoncées à l'avance dans la presse. Le fait qu'il s'agissait d’actions « sauvages » des agriculteurs, dans le cadre desquelles on ne savait pas à l'avance où les barrages routiers seraient organisés et dans quelle mesure ils bloqueraient le trafic, est un argument pour que l'employeur paie quand même les heures de travail perdues le premier jour de protestation. »

En cas de problème dans les transports publics, vous pouvez demander une attestation de retard pour justifier votre retard : comment cela fonctionne-t-il exactement ? Devez-vous le cas échéant faire des heures supplémentaires ?

Matthias Debruyckere : « Là encore, si la grève est annoncée par les chemins de fer, l'employeur n’est pas tenu de payer les heures perdues car le travailleur a pu s’y préparer. S'il s'agit d'une situation imprévue dans laquelle les trains, par exemple, ne peuvent pas partir parce que des tracteurs bloquent les voies, la situation est différente et similaire à celle d’un embouteillage imprévu. Il est donc préférable pour le travailleur d’apporter une preuve par le biais d'une attestation de retard délivrée par la société de transports publics. Cette attestation peut être demandée en ligne.

Qu’en est-il des collaborateurs qui sont souvent sur la route pendant leur journée de travail, les délégués commerciaux par exemple ?

« Ces personnes n'ont souvent pas d'horaire fixe, ce qui leur permet d'organiser leur temps elles-mêmes, tout en veillant à toujours assurer les prestations requises. Il est cependant préférable pour ces collaborateurs de communiquer ouvertement concernant d’éventuels retards tant avec l'employeur qu’avec les clients qu’ils doivent rencontrer. » 

D’autres options disponibles

Matthias Debruyckere conseille aux employeurs d'intégrer la flexibilité dans la mesure du possible afin de contourner le problème des embouteillages, surtout s’ils sont structurels. « Il est évident que l'on peut introduire de la flexibilité par le biais d'horaires variables, qui permettent aux personnes de commencer un peu plus tard et de s'arrêter un peu plus tard le soir. L'autre option, bien sûr, est le télétravail : un mode de travail qui est de bon ton dans de nombreuses organisations depuis la pandémie et qui peut contribuer à réduire les embouteillages. Autre possibilité : les collaborateurs peuvent travailler à partir d'un bureau satellite plus proche de leur domicile afin d’éviter d'être pris dans les embouteillages. » 
Mais qu'en est-il des travailleurs pour lesquels ces formes de flexibilité sont beaucoup plus difficiles à mettre en œuvre voire impossibles ? « Dans ces cas, il n'y a souvent que peu d'options. Songeons au vendeur qui doit ouvrir un magasin à 9 heures. Tout ce que ce collaborateur peut faire, c'est de se préparer et de surveiller de près les sites web d’information sur la circulation routière. Par ailleurs, en tant qu'employeur, il peut être judicieux de prévoir un plan d'urgence pour les retards dus à des circonstances imprévues. De nombreux employeurs prévoient aussi ce type de plan pour le cas où un de leurs collaborateurs tomberait malade. »